CHAPITRE VI - DE QUELLE MANIÈRE ON ACCEPTE UNE SUCCESSION ET COMMENT ON Y RENONCE
SECTION I - DE L'ACCEPTATION PURE ET SIMPLE
Art. 71. Nul n'est tenu d'accepter une succession, de quelque manière qu'elle lui soit échue, soit par testament, ou par l'opération de la loi.
Il peut donc l'accepter ou la répudier librement.
Art. 72. L'acceptation de l'hérédité a un effet rétroactif, c'est-à-dire qu'elle fait considérer l'héritier comme s'il avait recueilli la succession dans le même tems qu'elle a été ouverte par la mort de celui à qui il succède, quelqu'intervalle qui se soit écoulé entre cette mort et l'acceptation; d'où il suit que l'héritier a droit à tous les biens qui auront pu augmenter la succession pendent ce tems, et qu'il est également tenu de toutes les charges qui seront survenues.
Art. 73. L'acceptation de l'héritier a encore cet effet, de le saisir de plein droit, et sans aucune autorisation de justice, des biens, droits et actions du défunt, sous l'obligation d'acquitter les charges de la succession.
Art. 74. Jusqu'à l'acceptation ou renonciation, l'hérédité est considérée comme une personne fictive, représentant en tout le défunt à qui étaient les biens.
Art. 75. Une succession peut être acceptée purement et simplement, ou sous bénéfice d'inventaire.
Art. 76. L'acceptation est pure et simple, lorsque l'héritier a témoigné sa volonté d'être héritier, sans avoir recours au bénéfice d'inventaire.
Art. 77. L'acceptation pure et simple peut se faire expressément ou tacitement.
On accepte une succession expressément, quand on prend le titre ou la qualité d'héritier dans quelque acte authentique ou privé, ou en jugement.
On accepte une succession tacitement, lorsqu'on fait quelque acte qui suppose nécessairement dans celui qui le fait, la volonté d'être héritier.
Art. 78. Les actes purement conservatoires de surveillance et d'administration provisoire, ne sont pas des actes d'acceptation d'hérédité, à moins qu'on n'y prenne formellement le titre et la qualité d'héritier.
Art. 79. La donation, vente ou transport que fait de ses droits successifs, un des co-héritiers, soit à un étranger, soit à tous ses co-héritiers, soit à quelques-uns d'eux, emporte de sa part, acceptation de la succession.
Il en est de même 1°. de la renonciation, même gratuite, que fait un des héritiers, au profit d'un ou de plusieurs de ses co-héritiers; et 2°. de la renonciation qu'il fait, même au profit de tous ses co-héritiers indistinctement, lorsqu'il reçoit le prix de sa renonciation.
Art. 80. Ceux qui ne sont pas capables de s'obliger, tels que les mineurs et les interdits, ne peuvent accepter une succession. Mais le tuteur peut accepter les successions échues à son pupile et le curateur celles déférées aux personnes qui sont sous sa curatelle, avec les formalités prescrites par la loi.
Art. 81. La succession déférée à une femme mariée, doit être par elle acceptée, et elle doit être pour cela autorisée de son mari, ou sur le refus de son mari, par justice.
Art. 82. Si elle refusait de l'accepter, le mari qui aurait intérêt qu'elle soit acceptée pour augmenter les revenues dont il a la jouissance pendant le mariage, pourrait, à ses risques, l'accepter sur le refus de sa femme.
Art. 83. Lorsqu'un débiteur insolvable refuse d'accepter une succession opulente, en fraude de ses créanciers, pour empêcher qu'ils ne soient payés sur les biens qui lui surviendraient de cette succession, ses créanciers sont reçus à l'accepter pour lui.
Art. 84. Non-seulement celui qui est appelé à une succession, peut l'accepter, mais s'il est mort avant que de s'être décidé sur le parti de l'acceptation ou de la répudiation, les héritiers de cet héritier peuvent, de leur chef, l'accepter.
Art. 85. Lorsque les héritiers de cet héritier, sont en discussion entre eux, sur le parti de l'acceptation ou de la répudiation, la succession doit être acceptée sous bénéfice d'inventaire.
Art. 86. L'effet de l'acceptation pure et simple de l'hérédité, soit expresse ou tacite, est tel que l'héritier majeur qui l'a faite, se trouve obligé au payement des dettes de la succession, non-seulement sur les biens qui lui sont échus de cette succession, mais encore personnellement, et sur ses propres biens, comme s'il les eut contractées, et qu'il fut le défunt lui même.
L'obligation de l'héritier pur et simple, relativement aux legs, offre quelque différence ainsi qu'il sera établi en son lieu.
Art. 87. L'héritier majeur ne peut attaquer l'acceptation expresse ou tacite qu'il a faite d'une succession, si ce n'est dans le cas où cette acceptation aurait été la suite de quelque supercherie, dol, ou violence pratiquée contre lui; mais il ne peut jamais former une pareille réclamation, sous prétexte de lésion.
Art. 88. La répudiation d'une succession, est un acte par lequel celui qui est appelé à cette succession, déclare qu'il y renonce.
Art. 89. La renonciation à une succession, ne se présume pas; elle doit être faite d'une manière expresse, par-devant un notaire public, en présence de deux témoins.
Art. 90. Ceux à qui une succession est déférée, peuvent la répudier, pourvu qu'ils soient capables d'aliéner; car la renonciation à une succession est, en tous points, assimilée à une aliénation.
Ainsi un mineur ne peut valablement répudier une succession, sans l'autorité de justice et celle de son tuteur ou curateur.
Il en est de même de l'interdit.
Art. 91. Une lemme sous puissance de mari, ne peut répudier les successions qui lui sont échues, sans être dûment autorisée à cet effet, par son mari, ou par justice au refus de son mari.
Art. 92. Les créanciers de celui qui renonce au préjudice de leurs droits, peuvent se faire autoriser en justice, à accepter la succession, du chef de leur débiteur, en son lieu et place.
Dans ce cas, la renonciation n'est annulée qu'en faveur des créanciers et jusqu'à concurrence de leurs créances: elle ne l'est pas au profit de l'héritier qui a renoncé.
Art. 93. Les héritiers qui auraient diverti ou recélé des effets d'une succession, sont déchus de la faculté d'y renoncer; ils demeurent héritiers purs et simples, nonobstant leur renonciation, sans pouvoir prétendre aucune part dans les objets divertis ou recélés.
Art. 94. La faculté d'accepter ou de répudier une succession, se prescrit par le laps de tems requis pour la prescription la plus longue des droits immobiliers.
Art. 95. Tant que la prescription du droit d'accepter, n'est pas encore acquise contre les héritiers qui ont renoncé, ils ont la faculté d'accepter encore la succession, si elle n'a pas été acceptée par d'autres héritiers, sans préjudice cependant des droits qui peuvent être acquis à des tiers sur les biens de la succession, soit par prescription, soit par actes valablement faits avec l'administrateur ou curateur à la succession vacante.
De même, tant que la prescription de renoncer n'est pas acquise, l'héritier peut toujours rapporter sa renonciation, pourvu qu'il n'ait pas fait acte d'héritier.