SECTION III - DE LA GARANTIE DES DÉFAUTS DE LA CHOSE VENDUE, OU DES VICES RÉDHIBITOIRES
Art. 65. On appelle rédhibition, la résolution de la vente, à cause de quelque défaut de la chose vendue, qui soit tel qu'il suffise pour obliger le vendeur à la reprendre, et pour annuler la vente.
Art. 66. Le vendeur est obligé de déclarer à l'acquéreur les défauts de la chose vendue qui lui sont connus, et s'il ne le fait pas, ou la vente sera résolue ou le prix diminué, selon la qualité des défauts, et le vendeur sera tenu des dommages intérêts de l'acheteur, par les règles qui suivent.
Art. 67. Toutes espèces de vices ou de défauts de la chose vendue, ne donnent pas lieu à l'action de rédhibition; on ne considère que ceux qui rendent cette chose absolument inutile à l'usage pour leque elle est destinée dans le commerce, ou qui diminuent tellement cet usage, ou le rendent si incommode qu'il est présumable que s'ils eussent été connus de l'acheteur, il n'aurait pas acheté du tout, ou n'aurait acheté qu'à moindre prix.
Art. 68. Quoique les défauts ou vices de la chose vendue fussent inconnus au vendeur, il n'en sera pas moins garant, si les défauts ou vices sont d'une nature cachée, et le vendeur pourra en ce cas, faire résoudre la vente ou diminuer le prix, si ce n'est que le vendeur n'ait stipulé qu'il ne serait obligé à aucune garantie.
Art. 69. Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même, comme si un cheval a les yeux crevés, l'acquéreur ne pouvant se plaindre de ces défauts qu'il n'a pu ignorer que par sa faute, non plus que de ceux que le vendeur lui aura déclarés.
Art. 70. Dans les cas des articles 67 et 68 ci-dessus, l'acheteur a le choix de rendre la chose, et de se faire restituer le prix; ou de garder la chose, et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts.
Art. 71. Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages intérêts envers l'acheteur.
Art. 72. Si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente.
Art. 73. Si la chose qui avait des vices, a péri par suite de sa mauvaise qualité, la perte est pour le vendeur, qui sera tenu envers l'acheteur, à la restitution du prix et aux autres dédommagemens expliqués dans les deux articles précédens.
Mais la perte arrivée, par cas fortuit, sera pour le compte de l'acheteur.
Art. 74. L'action en rédhibition n'a pas lieu dans les ventes faites par autorité de justice.
Art. 75. Cette action, soit qu'elle ait pour objet la résolution de la vente, ou une simple réduction du prix, doit être intentée, au plus tard, dans les six mois de la date de la vente, ou de l'époque où le vice ou le défaut a été découvert, pourvu que, dans ce dernier cas, il ne se soit pas écoulé plus d'un an depuis la vente; et ce délai passé, l'acquéreur ne sera plus recevable dans cette action.
Art. 76. Il faut, en outre, que l'acquéreur prouve, d'une manière suffisante, que le vice, ou défaut dont il se plaint, existait lors de la vente, ou antérieurement à son époque.
Si le vice, ou défaut s'est manifesté, immédiatement après la vente ou dans les trois jours qui l'ont suivi on présumera qu'il existait avant la vente ou à l'instant où elle a été faite.
Art. 77. Les vices, ou défauts qui donnent lieu, en général, à l'action de rédhibition contre la vente des chevaux et mulets, sont: la pousse, la morve, la courbature, la privation de la vue, et autres défauts de ce genre, suivant les circonstances et les usages particuliers à ce territoire.
Art. 78. Les vices rédhibitoires des esclaves se divisent en deux classes:
Les vices de caractère,
Et les vices de corps.
Art. 79. Les vices rédhibitoires, qui tiennent au mauvais caractère des esclaves, se borneront désormais aux seuls cas où il est prouvé:
Que l'esclave a commis quelque crime capital;
Ou qu'il est adonné au vol;
Ou qu'il est dans l'habitude d'aller marron.
Art. 80. Les vices rédhibitoires, qui tiennent aux maladies ou aux infirmités des esclaves, consistent principalement dans les trois maladies suivantes, savoir:
La lèpre;
La folie;
Le mal caduc.
A l'égard des autres maladies ou infirmités, dont peuvent être attaqués les esclaves, elles ne forment des vices rédhibitoires qu'autant qu'elles sont incurables par leur nature, de manière à ce que l'esclave, qui y est sujet, soit absolument inutile à l'usage auquel il est destiné, ou que son service soit tellement incommode, difficile ou interrompu, qu'on doit présumer que l'acquéreur ne l'aurait pas acheté du tout, s'il avait connu ce vice, ou qu'il n'en aurait pas donné un aussi grand prix, s'il eut connu qu'il était attaqué de cette maladie ou infirmité.
Mais, si la maladie ou infirmité est curable de sa nature, quelque dépense ou soins que le traitement puisse exiger, elle ne peut être considérée comme un vice rédhibitoire, à moins qu'il ne soit prouvé, que le vendeur en avait connaissance avant la vente, ou à l'instant où elle a été passée.
Art. 81. Lorsque le vendeur a déclaré que la chose par lui vendue, outre l'exemption des vices ou défauts qu'il doit naturellement garantir, avait quelque qualité qui la rendit meilleure ou plus précieuse, et que cette qualité se trouve manquer, ou même être remplacée par des vices ou défauts contraires, l'acquéreur pourra être bien fonde à réclamer, suivant les circonstances, ou la résolution de la vente, ou la diminution du prix, ou même des dommages et intérêts contre le vendeur.
Dans ce cas, il faudra juger de l'effet que la déclaration du vendeur aura pu produire sur l'acquéreur pour le déterminer à acheter, d'après la connaissance que l'acquéreur pouvait ou devait avoir de la fausseté ou de l'exagération de cette déclaration, et surtout, il faudra considérer si ces qualités ont fait une condition sans laquelle la vente n'eut pas été faite du tout, ou n'eut pas été faite au même prix.