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TITRE X - DES COMMUNAUTÉS OU CORPORATIONS

 

CHAPITRE I - DE LA NATURE DES COMMUNAUTÉS OU CORPORATIONS, DE LEUR USAGE ET DE LEURS ESPÈCES

Art. 1. On entend par communauté ou corporation, l'assemblée de plusieurs personnes unies en un corps formé conformément à la loi, ou avec la permission de la législature.

Art. 2. Suivant cette définition, les communautés ou corporations sont composées de personnes d'un même ordre, ou d'ordres différens, mais de manière cependant qu'aucune ne comprend des personnes de tous les ordres.
Ainsi les habitans d'une ville, d'un village, d'un bourg, pris collectivement, et considérés par rapport à leurs intérêts communs, forment une communauté d'habitans, mais on ne peut comprendre sous ce nom, une nation entière, ni même les habitans d'une province, parce que la collection de tous les individus, renferme tous les ordres de la nation ou de la province, et ce qui regarde le bien public, soit dans la conduite des particuliers soit dans celle des communautés ou corporations, au lieu que ces dernières se bornent à quelque espèce de bien particulier, et que chacune d'elles est distinguée des autres particuliers et corps du même lieu.

Art. 3. L'usage des communautés ou corporations est de pourvoir par le concours et le secours de plusieurs personnes, à quelque bien utile au public, quoiqu'elles soient aussi établies pour le bien commun de ceux qui en sont membres.
Ainsi la première règle de leur police, est qu'elles procurent quelque avantage, et quelque utilité à l'Etat qui les établit, et qu'elles ne le soient que par l'ordre ou la permission de la Législature; sans cet ordre ou permission, elles ne peuvent être considérées que comme des sociétés particulières qui ne jouissent pas de la plénitude des avantages que la loi accorde aux corps politiques.

Art. 4. On distingue les communautés ou corporations en deux espèces principales; les ecclésiastiques et les laïques; et cette distinction résulte tant de la qualité des personnes qui composent ordinairement chacune de ces espèces de communautés ou corporations, que de la différence de l'objet de leur établissement.

Art. 5. Les communautés ou corporations ecclésiastiques, sont celles dont l'établissement se rapporte uniquement à la religion, telles sont les congrégations des différens cultes; les communautés ou corporations laïques, sont celles qui n'ont rapport qu'à la police temporelle, telles que les corporations des villes, les compagnies pour l'avancement du commerce ou de l'agriculture, les sociétés littéraires, les collèges ou universités fondés pour l'instruction de la jeunesse et autres semblables.

 

CHAPITRE II - DES DROITS ET PRIVILÈGES DES COMMUNAUTÉS OU CORPORATIONS ET DE LEUR[S] INCAPACITÉS

Art. 6. Les communautés ou corporations doivent être non-seulement autorisées par la législature, mais il doit leur être donné un nom et c'est sous ce nom qu'elles doivent agir, ou être actionnées en justice et faire tous leurs actes légaux; quoiqu'une légère altération dans ce nom, ne soit pas importante.

Art. 7. Les communautés légitimement établies, tiennent lieu de personnes et leur union qui rend communs à tous ceux qui les composent, leurs intérêts, leurs droits et leurs privilèges, fait qu'on les considère comme un seul tout.
De là il suit, qu'elles peuvent posséder des biens et avoir un coffre commun pour y mettre leurs deniers, qu'elles sont capables de legs et donations, qu'elles peuvent valablement contracter, obliger les autres et s'obliger envers eux, exercer les droits qui leur appartiennent, traiter de leurs affaires, agir en justice, même se faire des statuts et règlemens, pourvu qu'ils ne soient pas contraires aux lois de la société politique dont elles font partie.

Art. 8. Comme les communautés ou corporations sont établies pour un bien public dont la cause subsiste toujours, elles sont, de leur nature, perpétuelles; aussi subsistent-elles les même sans que le changement de toutes les personnes qui les composent, changent rien au corps.
Ainsi, dans le cas où une communauté ou corporation serait réduite à une seule personne, cette personne la représenterait et en exercerait les droits qui subsisteraient toujours en elle, en attendant que d'autres remplissent les places vacantes; c'est ce qui distingue les communautés ou corporations, d'avec les sociétés qui sont bien une espèce de communauté entre plusieurs personnes, mais seulement pour un tems.

Art. 9. De la vient le droit de succession perpétuelle qui est également de la nature des communautés ou corporations, et par lequel elles transmettent à perpétuité, à leurs successeurs ou ayans cause, leurs droits, privilèges, ainsi que les biens qu'elles peuvent posséder.
Le droit d'élire d'autres membres au lieu et place de ceux qui ont quitté la corporation, est une conséquence du même principe; ce droit est implicitement attaché à la constitution de toute communauté ou corporation régulièrement établie.

Art. 10. Les communautés ou corporations sont des êtres intellectuels différens et distincts de toutes les personnes qui les composent.

Art. 11. Les biens et les droits d'une communauté ou corporation appartiennent tellement au corps, qu'aucun des particuliers qui la composent, n'y a aucun droit de propriété et n'en peut disposer en rien.
En cela la chose appartenant à un corps, est très-différente d'une chose qui serait commune à plusieurs particuliers pour la part que chacun a en la communauté qui est entre eux.

Art. 12. En conséquence de la règle ci-dessus, ce qui est dû à un corps, n'est dû aucunement à aucun des particuliers dont le corps est composé, et vice versa.
Le créancier de ce corps ne peut donc point exiger de chacun des particuliers de ce corps, ce qui lui est dû par le corps, il ne peut faire condamner au payement que le corps dans la personne de son président, syndic ou procureur, et il ne peut saisir que les effets qui appartiennent au corps; pourvu qu'il n'y ait que le corps qui ait contracté la dette, par le ministère de son président, syndic ou procureur, car si tous les particuliers qui composent le corps, ont signé au contrat, personnellement, chacun d'eux peut être contraint au payement, ou pour sa portion virile, ou solidairement, lorsque la solidité a été expressément stipulée.

Art. 13. De ce qu'un corps est une personne intellectuelle, il s'ensuit qu'il ne peut pas faire par lui-même tout ce qu'il lui est permis de faire légalement, comme il a été dit ci-dessus; c'est pourquoi il est de la nature de chaque corps, de nommer quelques-uns de ses membres, à qui il confie la direction et le soin de ses affaires, sous le nom de maire, président, syndic, directeur ou autres, selon les statuts et la qualité des communautés.

Art. 14. Les procureurs ou officiers ainsi nommés par les communautés ou corporations, pour la direction et le soin de leurs affaires, ont leurs fonctions respectives réglées par leur nomination et les exercent suivant les règlemens généraux et les statuts particuliers de la communauté ou corporation dont ils sont chefs.
Ces procureurs ou officiers, en contractant, obligent les corps auxquels ils appartiennent dans les choses qui n'excèdent pas les bornes de l'administration qui leur est confiée; leur fait est censé le fait du corps; et c'est à leur personne ou à leur domicile que sont données les citations sur les demandes que quelqu'un a à former contre le corps.
Si les pouvoirs de ces procureurs ou officiers n'ont pas été expressément fixés, ils se règlent de la même manière que ceux des autres mandataires.

Art. 15. Les communautés ou corporations étant des personnes intellectuelles, il en résulte contre elles diverses sortes d'incapacités dont les unes sont inhérentes à leur nature, et d'autres sont établies par la loi.

Art. 16. Une communauté ou corporation ne peut être administratrice, tutrice ou exécutrice testamentaire, ni remplir aucune autre charge personnelle; elle ne peut être chargée de procuration, ni détenir des biens pour l'usage d'un autre, car une pareille charge est hors de son institution; elle ne peut être mise en prison, car son existence étant purement ideale, personne ne peut l'appréhender ou l'arrêter.

Art. 17. De même une communauté ou corporation ne peut former une action d'attaquer et batterie, ou pour autre semblables injures, car une corporation ne peut ni battre ni être battue dans son corps politique.

Art. 18. Une corporation ne peut commettre le crime de trahison ou tout autre crime ou délit dans sa capacité politique, quoique ses membres puissent les commettre dans leur capacité individuelle et respective.

Art. 19. Dans les communautés ou corporations, l'acte de la majorité est considéré comme l'acte de la totalité.

Art. 20. Les statuts et règlemens que les communautés ou corporations font pour leur police et discipline, sont obligatoires pour tous leurs membres respectivement, lesquels sont tenus d'y obéir, pourvu que ces statuts ne contiennent rien de contraire aux lois, à la liberté publique et à l'intérêt d'autrui.
Ces statuts acquièrent force de loi, s'ils ont été approuvés ou mis en vigueur par un acte de la Législature qui peut opposer à son approbation, telle restriction ou limitation qu'elle juge convenable.

Art. 21. Les communautés ou corporations qui ne sont point autorisées par la loi ou par un acte de la Législature, ne jouissent d'aucun caractère public, et ne peuvent agir en justice qu'au nom individuel de tous les membres qui les composent et non comme corps politiques, quoique ces communautés ou corporations puissent acquérir et posséder des biens, et avoir des intérêts communs comme dans toutes les autres sociétés particulières.

 

CHAPITRE III - DE LA DISSOLUTION DES COMMUNAUTÉS OU CORPORATIONS

Art. 22. Une communauté ou corporation légalement établie peut être dissoute:
1o. Par un acte de la Législature, si elle le croit nécessaire ou convenable à l'intérêt public, dans tous les cas où l'existence de cette corporation n'est pas garantie par les traités;
2o. Par la forfaiture de sa charte, lorsque cette communauté ou corporation fait abus de ses franchises, ou qu'elle néglige ou refuse d'exécuter les conditions auxquelles elles lui ont été accordées, dans lequel cas la corporation devient nulle par l'effet de la violation des clauses de l'incorporation.




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