CHAPITRE IV - DE L'ORDRE DES PRIVILÉGES ET HYPOTHÈQUES
Art. 67. Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers, et le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait, entre les créanciers, des causes légitimes de préférence.
Ces causes légitimes de préférence sont celles qui résultent des priviléges et hypothèques.
SECTION I - DE LA PRÉFÉRENCE, ET DE L'ORDRE DES PRIVILÉGES
Art. 68. Le privilége, est un droit que la qualité de la créance donne à un créancier, d'être préféré aux autres créanciers, même hypothécaires, quoique d'une date antérieure.
Art. 69. Entre les créanciers privilégiés, la préférence est réglée par les différentes qualités des priviléges.
Art. 70. Les créanciers privilégiés, qui sont dans le même rang, sont payés par concurrence.
Art. 71. Les priviléges peuvent exister sur les meubles, ou sur les immeubles, ou sur l'un et l'autre à la fois.
Art. 72. Les priviléges sont, ou généraux, ou particuliers sur certains meubles.
Art. 73. Les créances privilégiées, sur la généralité des meubles, sont celles ci-après exprimées, et s'exercent dans l'ordre suivant:
1º. Les frais funéraires;
2º. Les frais de justice;
3º. Les frais de chirurgie, tels que ceux de médecin, chirurgien, apothicaire, &c. causés par la maladie dont est mort le défunt; ces frais se payent, par concurrence, entre ceux à qui ils sont dus;
4º. Les salaires de gens de service, pour l'année échue, et ce qui est dû sur l'année courante;
5º. Les fournitures de subsistance faites au débiteur et à sa famille, savoir pendant les six derniers mois, par les marchands en détail, tels que boulangers, bouchers et autres; et pendant la dernière année, par les maîtres de pension ou aubergistes.
Art. 74. Les créances privilégiées sur certains meubles, sont:
1º. Les appointemens ou salaires des économes, gérants, pour l'année échue ou courante, sur les fruits de la récolte de cette même année;
2º. Les loyers et fermages des immeubles et esclaves attachés à leur culture, sur les fruits de la récolte de l'année, et sur le prix de tous les meubles meublans, qui garnissent la maison louée ou la ferme, et de tout ce qui sert à l'exploitation de la ferme;
Le propriétaire peut saisir les meubles meublans qui garnissent la maison ou la ferme, lorsqu'ils ont été déplacés sans son consentement, et il conserve sur eux son privilége, pourvu qu'il puisse en prouver l'identité, et qu'il exerce sa revendication au plus tard dans la quinzaine du jour où le déplacement a été fait.
Le privilége du bailleur peut même s'étendre sur les marchandises qui garnissent la maison ou appartement par lui loué, lorsque c'est un magasin ou une boutique qui est l'objet principal de la location.
3°. La créance sur le gage dont le créancier est saisi;
4°. Les frais faits pour la conservation de la chose;
5°. Le prix d'effets mobiliers, s'ils sont encore en la possession du débiteur, soit qu'il ait acheté à terme ou à crédit;
Si la vente a été faite sans terme, le vendeur peut même revendiquer ces effets, tant qu'ils sont à la possession de l'acheteur, et en empêcher la revente, pourvu que la revendication soit faite dans la huitaine de la livraison, et que les effets se trouvent dans le même état dans lequel cette livraison a été faite.
Le privilége du vendeur ne s'exerce, toutefois, qu'après celui du propriétaire de la maison ou de la ferme, à moins qu'il ne soit prouvé, que le propriétaire avait connaissance, que les meubles ou autres objets garnissant sa maison ou sa ferme, n'appartenaient pas au locataire;
Il n'est rien innové aux lois et usages du commerce sur la revendication.
6°. Les fournitures d'un aubergiste, sur les effets d'un voyageur, qui ont été transportés dans son auberge;
7°. Les frais de voiture, et les dépenses accessoires, sur la chose voiturée;
8°. Les créances résultant d'abus ou de prévarications commises par les fonctionnaires publics et comptables des deniers publics, dans l'exercice de leurs fonctions, sur le fonds de leur cautionnement.
Art. 75. Les créanciers privilégiés, sur les immeubles, sont:
1°. Le vendeur sur le fonds vendu, pour le payement du prix, soit que la vente ait été faite au comptant ou à crédit, et soit qu'il y ait eu hypothèque stipulée ou non, pourvu qu'il n'y ait pas eu de novation.
Ce privilége s'étend sur les esclaves et sur les animaux vendus avec le fonds.
S'il y a plusieurs ventes successives, dont le prix soit dû en tout ou en partie, le premier vendeur est préféré au second, le second au troisième, et ainsi de suite.
2°. Les architectes et autres entrepreneurs, maçons et autres ouvriers employés pour édifier, reconstruire ou réparer des bâtimens ou autres ouvrages quelconques, sur les bâtimens et autres ouvrages qu'ils ont ainsi édifiés, reconstruits ou réparés.
Art. 76. Les priviléges qui s'étendent sur les meubles et sur les immeubles, sont ceux énoncés en l'article 73 ci-dessus.
Art. 77. Lorsqu'à défaut de mobilier, les privilégiés énoncés en l'article précédent, se présentent pour être payés sur le prix d'un immeuble, en concurrence avec les créanciers privilégiés sur l'immeuble, les payemens se font dans l'ordre qui suit:
1°. Les frais de justice, et ceux énoncés en l'article 73;
2°. Les créances désignées en l'article 75.
Art. 78. Les créanciers qui ont une hypothèque, soit judiciaire, soit conventionnelle, ont leur rang réglé entre eux, du jour de l'inscription qui en a été faite sur les registres du conservateur, dans la forme et de la manière prescrites par la loi.
Art. 79. Tous les créanciers inscrits le même jour, exercent, en concurrence, une hypothèque de la même date, sans distinction entre l'inscription du matin et celle du soir, quand cette différence serait marquée par le conservateur.
Art. 80. À l'égard des hypothèques tacites ou légales, comme elles ne sont sujettes à aucunes inscriptions, leur rang est fixé entre elles, du jour de la date où elles commencent d'avoir leur effet, d'après la loi; et à parité de date, elles concourent entre elles.
Elles concourent également avec les hypothèques judiciaires ou conventionnelles, sans aucune préférence sur celles-ci, lorsque leur date est du même jour que celui où ces dernières ont été inscrites.
CHAPITRE V - DE L'EXTINCTION DES PRIVILÉGES ET HYPOTHÈQUES
Art. 81. Les priviléges et hypothèques s'éteignent:
1°. Par l'extinction de l'obligation principale;
2°. Par la renonciation du créancier à l'hypothèque;
3°. Par la prescription;
La prescription est acquise au débiteur, quant aux biens qui sont dans ses mains, par le tems fixé pour la prescription des actions qui donnent l'hypothèque ou le privilége.
Quant aux biens qui sont dans les mains d'un tiers détenteur, elle lui est acquise par le tems réglé pour la prescription de la propriété à son profit.