TITRE XVIII - DU NANTISSEMENT
Art. 1. Le nantissement, est un contrat par lequel un débiteur remet à son créancier, une chose pour sûreté de sa dette.
Art. 2. Le nantissement est de deux espèces:
Le gage;
Et l'antichrèse.
Art. 3. Le gage s'entend, du nantissement d'une chose mobilière; et l'antichrèse du nantissement d'une chose immobilière, ou d'esclaves.
Art. 4. On peut donner en gage toutes les choses mobilières qui entrent dans le commerce.
Art. 5. Le gage confère au créancier le droit de se faire payer sur la chose mobilière qui en est l'objet, et par privilége et préférence aux autres créanciers.
Art. 6. Ce privilége n'aura lien, qu'autant que le nantissement sera prouvé, soit par un acte authentique, soit par un acte sous signature privée, dûment enregistré en l'étude d'un notaire public à une époque non suspecte; et, dans quelle forme que soit cet acte, il devra contenir en outre la déclaration de la somme due, ainsi que de l'espèce et de la nature des choses remises en gage, ou un état annexé de leur quantité, poids et mesure.
Art. 7. Le privilége énoncé en l'article précédent, ne s'établit sur les meubles incorporels, tels que les créances mobilières, que par acte public ou sous seing privé, aussi enregistré et signifié au débiteur de la créance donnée en gage.
Art. 8. Dans tous les cas, le privilége ne subsiste sur le gage, qu'autant que le gage a été mis et est resté en la possession du créancier ou d'un tiers convenu entre les parties.
Art. 9. Le gage peut être donné par un tiers pour le débiteur.
Art. 10. Lorsque plusieurs choses ont été données en gage, on ne peut pas en retirer une, sans acquitter toute l'obligation, quand même on payerait quelque somme à proportion du gage qu'on voudrait retirer.
Art. 11. Le créancier nanti, ne peut être forcé à rendre le gage que lorsqu'il a reçu son payement en entier, tant en principal, qu'intérêts et frais.
Art. 12. Le créancier ne peut, à défaut de payement, disposer du gage; sauf à lui, à faire ordonner en justice, que le gage lui demeurera en payement, jusqu'à due concurrence, d'après une estimation faite par experts, ou qu'il sera vendu à l'enchère.
Toute clause, qui autoriserait le créancier à s'approprier le gage, ou à en disposer sans les formalités ci-dessus, est nulle.
Art. 13. Jusqu'à l'expropriation du débiteur, s'il y a lieu, il reste propriétaire du gage, qui n'est dans la main du créancier, qu'un dépôt assurant le privilége de celui-ci.
Art. 14. Le créancier répond, selon les règles établies au titre des contrats et des obligations conventionnelles, de la perte ou détérioration du gage, qui serait survenue par sa négligence.
De son côté, le débiteur doit tenir compte au créancier, des dépenses utiles et nécessaires que celui-ci a faites pour la conservation du gage.
Art. 15. Les fruits du gage, sont censés faire partie du gage, c'est-à-dire, qu'ils restent, ainsi que le gage, entre les mains du créancier, mais il ne peut se les approprier; il est tenu, au contraire, d'en rendre compte au débiteur, ou de les imputer sur ce qui peut lui être dû.
Art. 16. S'il s'agit d'une créance donnée en gage, et que cette créance porte intérêts, le créancier impute ces intérêts à ceux qui peuvent lui être dus; mais si la dette, pour sûreté de laquelle la créance a été donnée, ne porte point elle-même intérêt, l'imputation se fait sur le capital de la dette.
Art. 17. Le gage est indivisible, nonobstant la divisibilité de la dette entre les héritiers du débiteur et ceux du créancier.
L'héritier du débiteur, qui a payé sa portion de la dette, ne peut demander la restitution de sa portion dans le gage, tant que la dette n'est pas entièrement acquittée.
Réciproquement, l'héritier du créancier, qui a reçu sa portion de la dette, ne peut remettre le gage au préjudice de ceux ses co-héritiers qui ne sont pas payés.
Art. 18. Si le prix du gage vendu, excède la dette, le surplus doit être rendu au propriétaire; si, au contraire, il ne suffit pas pour acquitter toute la dette, le créancier a la faculté de demander le surplus, sur les autres biens du débiteur.
Art. 19. Le débiteur, qui soustrait le gage, commet une espèce de larcin.
Art. 20. Lorsque le créancier a été trompé sur la substance ou qualité du gage, il peut en demander un autre, ou exiger dés lors son payement, quand même le débiteur serait solvable.
Art. 21. Le créancier ne peut jamais prescrire le gage, quelque tems qu'il l'ait possédé.
Art. 22. L'antichrèse doit être rédigée par écrit.
Le créancier n'acquert, par ce contrat, que la faculté de recevoir les fruits de l'immeuble ou des esclaves à lui donnés en nantissement, à la charge de les imputer annuellement sur les intérêts, s'il lui en est dû, et ensuite sur le capital de sa créance.
Art. 23. Le créancier est tenu, s'il n'en est autrement convenu, de payer les contributions, ainsi que les charges annuelles des biens qu'il tient en nantissement.
Il doit également, sous peine de dommages intérêts, pourvoir à l'entretien et aux réparations utiles et nécessaires de l'immeuble, sauf à prélever sur les fruits, toutes les dépenses relatives à ces objets.
Il doit aussi, pourvoir aux dépenses relatives à l'entretien des esclaves qui lui ont été donnés en nantissement.
Art. 24. Le débiteur ne peut, avant l'entier acquittement de la dette, réclamer la jouissance de l'immeuble ou des esclaves qu'il a remis en nantissement.
Mais le créancier, qui veut se décharger des obligations exprimées en l'article précédent, peut toujours, à moins qu'il n'ait renoncé à ce droit, contraindre le débiteur à reprendre la jouissance de son immeuble ou de ses esclaves.
Art. 25. Le créancier ne devient pas propriétaire de l'immeuble ou des esclaves, par le seul défaut de payement au terme convenu; toute clause contraire est nulle: il peut seulement, en ce cas, poursuivre son débiteur en condamnation par-devant les tribunaux, et faire saisir et vendre les objets mis en nantissement entre ses mains.
Art. 26. Lorsque les parties ont stipulé, que les fruits se compenseront avec les intérêts, ou totalement, ou jusqu'à une certaine concurrence, cette convention s'exécute, comme toute autre, qui n'est prohibée par les lois.
Art. 27. Tout ce qui est porté au présent titre, relativement à l'antichrèse, ne peut nuire aux droits que des tiers pourraient avoir sur le fonds de l'immeuble, ou sur les esclaves remis en nantissement à titre d'antichrèse, tels que seraient des privilégiés ou des hypothéquaires.
Le créancier qui est muni à ce titre, n'a aucun droit de préférence sur les autres créanciers, à la différence du gage; mais, s'il a d'ailleurs, sur le fonds ou sur les esclaves en ses mains, des priviléges ou hypothèques légalement établis ou conservés, il les exerce à son ordre comme tout autre.