CHAPITRE III - DU LOUAGE D'OUVRAGE ET DE SERVICE
Art. 55. Le louage a trois objets principaux:
1°. Celui des gens de travail, qui se louent au service de quelqu'un;
2°. Celui des voituriers, tant par terre que par eau, qui se chargent du transport des personnes ou marchandises;
3°. Les devis, ou marchés d'ouvrages.
SECTION I - DU LOUAGE DES DOMESTIQUES ET OUVRIERS
Art. 56. On ne peut engager ses services qu'à tems, ou pour une entreprise déterminée.
Art. 57. Les domestiques attachés, à la personne du maître, ou au service des maisons, peuvent être renvoyés en tout tems sans expression de cause, et peuvent de même quitter leurs maîtres.
Art. 58. Les personnes qui ont loué leurs services sur les habitations, ou dans toutes autres manufactures pour y être employées aux travaux qui s'y font, ne peuvent, ni quitter le propriétaire auquel ils se sont loués, ni être renvoyées par eux avant le tems convenu, que pour cause grave.
Art. 59. Si hors le cas de cause grave, le propriétaire renvoie la personne qui lui à loué ses services, ainsi qu'il est marqué en l'article précédent, avant l'expiration du tems convenu, il doit lui payer le salarie de l'année ou du tems pour lequel il l'avait loué.
Art. 60. Si c'est au contraire la personne qui a engagé ainsi ses services, qui quitte le propriétaire, sans cause légitime, il perdra le salaire pour le tems qui s'est écoulé jusqu'alors sur son engagement, ou sera obligé de restituer au propriétaire ce qu'il aura reçu de lui d'avance sur l'année courante, ou sur le tems de l'engagement.
SECTION II - DES VOITURIERS PAR TERRE ET PAR EAU
Art. 61. Les voituriers par terre et par eau sont assujettis, pour la garde et conservation des choses qui leur sont confiées, aux mêmes obligations que les aubergistes, dont il est parlé au titre du dépôt et du séquestre.
Art. 62. Le prix du passage, par mer, d'une femme, d'un pays à un autre, n'augmente pas, quoiqu'elle accouche dans la traversée, soit que le maître sut, ou ignorat, qu'elle fut enceinte.
Art. 63. Les voituriers sont responsables, en outre, de la perte et des avaries des choses qui leur son confiées, à moins qu'ils ne prouvent, qu'elles ont été perdues ou avariées par cas fortuit, ou force majeure.
Art. 64. Les personnes qui tiennent des voitures publiques, et les maîtres des barques et navires, sont assujettis à des règlemens particuliers, qui font loi entre eux et les personnes avec lesquelles ils ont traité.
SECTION III - DES DEVIS ET MARCHÉS
Art. 65. On appelle devis, marché ou prix fait, l'entreprise d'un ouvrage, moyennant un prix déterminé.
Art. 66. Lorsqu'on charge quelqu'un de faire un ouvrage, on peut convenir qu'il fournira seulement son travail ou son industrie, ou bien qu'il fournira aussi la matière.
Art. 67. Si, dans le cas où l'ouvrier fournit la matière, la chose vient à périr, de quelque manière que ce soit, avant d'être livrée, la perte en est pour l'ouvrier, excepté que le maître ne fut en demeure de recevoir la chose.
Art. 68. Dans le cas, où l'ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu, que de sa faute.
Art. 69. Si, dans le cas de l'article précédent, la chose vient à périr, quoique sans aucune faute de la part de l'ouvrier, avant que l'ouvrage ait été reçu, et sans que le maître fut en demeure de le vérifier, l'ouvrier n'a point de salarie à réclamer, excepté que la chose n'ait péri par le vice de la matière.
Art. 70. S'il s'agit d'un ouvrage à plusieurs pièces, ou à la mesure, la vérification peut s'en faire par parties; et elle est censée faite, si le maîlea paye l'ouvrier, à proportion de l'ouvrage fait.
Art. 71. Si, l'édifice construit à prix fait, périt, en tout ou en partie, par le vice de la construction, l'architecte, ou entrepreneur, en est responsable pendant dix ans, pour les maisons en briques, et pendant cinq ans, pour les maisons en bois ou colombage.
Art. 72. Lorsqu'un architecte, ou entrepreneur, s'est chargé de la construction, à forfait, d'un bâtiment, d'après un plan arrêté, et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander une augmentation de prix, sous prétexte de changemens ou d'augmentations faits, s'il ne prouve que ces changemens, ou augmentations, ont été autorisés par le propriétaire.
Art. 73. Le maître peut résilier, par sa seule volonté, le marché à forfait, quoique l'ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l'entrepreneur, de toutes ses dépenses, de tous ses travaux et de tout ce qu'il aurait pu gagner dans cette entreprise.
Art. 74. Le contrat de louage d'ouvrage est dissous, par la mort de l'ouvrier, architecte ou entrepreneur, à moins que le propriétaire ne consente d'accepter, pour la continuation de l'ouvrage, l'héritier de l'entrepreneur, ou l'ouvrier que cet héritier lui présente.
Art. 75. Mais le propriétaire est tenu, dans le première cas, de payer, en proportion du prix porté par la convention, à leur succession, la valeur des ouvrages faits, et celle des matériaux préparés, lors seulement que ces travaux, ou ces matériaux peuvent lui être utiles.
Art. 76. L'entrepreneur répond du fait des personnes qu'il emploie.
Art. 77. Si l'ouvrier ne fait pas l'ouvrage convenu, ou s'il ne le fait pas tel, et dans le tems qu'il l'a promis, il est condamné à tous les dommages intérêts qui peuvent résulter de l'inexécution de son obligation.
Art. 78. Les maçons, charpentiers et autres ouvriers, qui ont été employés à la construction d'un bâtiment, ou d'autres ouvrages faits à l'entreprise, n'ont d'action contre celui pour lequel les ouvrages ont été faits, que jusqu'à concurrence de ce dont il se trouve débiteur envers l'entrepreneur, au moment où leur action est intentée.
Art. 79. Les maçons, charpentiers et serruriers, et autres ouvriers qui font directement des marchés à prix fait, sont astreints aux règles prescrites dans la présente section: car ils sont entrepreneurs dans la partie qu'ils traitent.